Il y a quelques semaines, notre CEO et co-fondateur Matthieu répondait à des questions du journal Le Soir sur l’influence de l’intelligence artificielle sur la gestion de patrimoine. Morceaux choisis pour ceux et celles qui seraient passés à côté de ce dossier.
Oui, nous utilisons l'IA à plusieurs niveaux chez Eaysyvest. Déjà depuis notre lancement en 2016, nous utilisons un algorithme de "machine learning" pour prédire les performances futures de nos portefeuilles. C’est d’ailleurs pour cette raison, entre autres, que l’on nous appelle "robo-advisor", même si nous consacrons la majeure partie de nos ressources aux interactions directes avec nos clients. Plus récemment, nous avons complètement adopté les nouveaux outils que sont chatGPT, Midjourney ou Github Copilot, dans nos développements IT et nos activités marketing et administratives.
Actuellement, nous voyons d'abord chatGPT comme un coach individuel pour chaque collaborateur de l'entreprise. Chaque employé gagne en productivité. Par exemple, nous estimons que chaque développeur informatique développe depuis six mois 30% plus vite. Donc, avec une équipe de trois développeurs, c'est comme si on avait embauché un développeur en plus, et ce pratiquement gratuitement.
La régulation financière a deux objectifs: protéger le consommateur investisseur et assurer la confiance en la stabilité du système financier. Par exemple, la réglementation prévoit que si un gestionnaire de patrimoine ne fournit pas des conseils financiers adéquats à un client, ses dirigeants peuvent être soumis à des sanctions, y compris pénales et faire de la prison. Or aujourd'hui, chatGPT fabule souvent quand on lui pose des questions financières: quand il ne sait pas, il invente ou il ne donne jamais deux fois la même réponse. La réglementation a raison de protéger l'investisseur et de sanctionner les institutions qui ne vont pas dans ce sens. A ce titre, nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à permettre à nos clients de communiquer directement avec chatGPT dans le cadre de leur gestion de portefeuille chez Easyvest: le risque d'erreurs et de sanctions qui s'en suivrait est encore trop grand.
Vu la nature exponentielle du développement de l'IA, appréhender son évolution à 10 ans est un exercice périlleux pour l'esprit humain, qui réfléchit linéairement. L'évolution risque d'être beaucoup plus rapide que ce qu'on imagine: rappelons que chatGPT existe depuis moins d'un an et a pourtant déjà radicalement changé la façon dont nous effectuons nos développements informatiques ou construisons nos campagnes marketing. En même temps, l'histoire montre que nous avons tendance à surestimer la rapidité avec laquelle une nouvelle technologie est adoptée et à sous-estimer l'impact qu'elle peut avoir à long-terme sur la société dans son ensemble.
Je vois deux scénarios possibles. D'abord, il n'est pas difficile de s'imaginer que dans 10 ans, une institution financière pourrait gérer le même nombre de clients qu'aujourd'hui avec deux ou trois fois moins de ressources humaines, ce qui pose évidemment des questions fondamentales de protection sociale et d'emploi. Si une institution financière arrive à cet état avant toutes les autres, l'avantage compétitif qu'elle en tirera en termes du coût du capital sera tel qu'elle aura les moyens financiers nécessaires pour devenir un monopole. D'un autre côté, il n'est pas impossible que cette structure de coûts plus légère permette aux gestionnaires de réduire les frais pour leurs clients.
Lorsque l'on parle de grosses sommes d'argent ou de conseils financiers sur un patrimoine acquis à la sueur de son front sur une longue carrière, on préfère parler et traiter avec un humain. Jusqu'à présent, aucun robot n'a démontré qu'il pouvait transmettre la confiance nécessaire pour se passer totalement d'un conseiller humain. Si je pense que l'IA permet d'envisager la gestion administrative presque sans humain, je n'y crois pas au niveau de la relation client. L'argent est une question de confiance, d'émotions et d'empathie: tous des éléments mieux partagés d'humain à humain.