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Camille Van Vyve

Camille Van Vyve

30 Apr 2025
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Où est l’argent des femmes ? Une réflexion sur l’argent dans le couple

On dit souvent que les femmes sont moins riches que les hommes. Mais où est passé leur argent ? Entre normes sociales, maternité et gestion du patrimoine, je vous partage ma propre lecture de l’ouvrage "Le prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes", de Lucile Quillet.

L'amour appauvrit-il la femme au profit de l'homme dans le couple?

Mon point de vue personnel

L’écriture à la première personne n’est pas monnaie courante dans le blog d’Easyvest. Qu’à cela ne tienne: en tant que femme, en couple, qui plus est travaillant dans la finance, il me semble qu’une réflexion personnelle sur l’ouvrage de Lucile Quillet est de nature à intéresser les clients d’Easyvest – et pas seulement les femmes (même si elles sont nombreuses).

Tous concernés

A la lecture du livre, j’ai eu le sentiment ambivalent d’être à la fois épargnée et concernée. Epargnée d’abord, car dans mon couple, l’argent n’a jamais été à l’origine d’un rapport de force, décrit sous de nombreuses facettes par Lucile Quillet. Concernée ensuite, et même doublement: primo, le travail de mon mari nous a amenés à déménager à l’étranger, et cette décision a eu pour effet de booster davantage sa carrière que la mienne… Un état de fait largement détaillé dans l’ouvrage. Secundo, puisque mon activité professionnelle consiste à promouvoir l’investissement indiciel, une stratégie d’investissement adaptée à tous les profils, je pense pouvoir apporter ma pierre à l’édifice de l’émancipation financière des femmes encouragée par l’auteur. Mais en fin de compte, il me semble que ce livre concerne absolument tout le monde. Il ouvre les yeux sur une nécessité: parler argent dans le couple plutôt que de laisser s’appliquer “par défaut” des modèles inadaptés et inégalitaires.

L’habitus de genre: quand l’inconscient coûte cher

Le point de départ de Lucile Quillet, c’est que le couple hétérosexuel est une construction sociale, un script où chacun joue un rôle appris dès l’enfance. Dans ce script, les femmes prennent soin, les hommes assurent. Même quand on croit échapper à ces stéréotypes, ils nous rattrapent, notamment dans notre rapport à l’argent. Il serait facile d’opposer à cette théorie un “mais les filles, vous êtes libres, c’est vous qui posez des choix qui vous desservent financièrement”, ce qui ne serait pas tout à fait faux. J’ai d’ailleurs moi-même décidé à un moment donné de réduire mon temps de travail (avant de partir à l’étranger), alors que mon mari ne l’a pas fait. Je ne regrette pas ce choix, mais je pense comme Lucile Quillet que ce type de décision relève souvent de normes intériorisées, d’une certaine culture du féminin. Une femme "normale" est une femme qui donne : du temps, de l’énergie, de l’amour… et en fin de compte, de l’argent.

La maternité: triple peine financière

L’arrivée des enfants est le moment où les écarts se creusent. La femme s’arrête, réduit, aménage son temps. Elle devient la variable d’ajustement du couple. Elle requalifie une partie de son temps “égoiste” en temps “altruiste” – j’aime beaucoup cette distinction faite par Lucile Quillet, plutôt que de parler de “travail” versus “non-travail”. L’auteur pose d’ailleurs cette question essentielle: où commence le travail? Avec cette définition à mon sens très claire: est du travail toute tâche qui profite à quelqu’un d’autre que celui qui l’exerce. Ainsi, lorsque vous travaillez pour un client et/ou pour un employeur, cela leur profite. Quand vous prenez une douche ou votre petit-déjeuner, cela ne profite qu’à vous. Quand vous remplissez le frigo, préparez à manger, videz un lave-vaisselle, changez des draps, jouez à un jeu de société avec un ou plusieurs enfants, cela profite à d’autres que vous. C’est un travail certes domestique mais qui a une valeur économique réelle:

  1. C’est un travail de remplacement qu’auraient pu faire des prestataires externes (garde d’enfants, aide ménagère), au prix du marché.
  2. C’est un booster de carrière pour le conjoint qui dispose de davantage de temps égoiste (qu’il allouera à du travail rémunéré ou à des loisirs, mais souvent plutôt au premier).
  3. C’est une perte sèche sur la trajectoire professionnelle de la personne qui l’assume.

L’argent des femmes existe, mais il est ailleurs

Parce qu’elles sont dans la majeure partie des cas la variable d’ajustement du couple avec enfants, les femmes sont donc moins riches que les hommes. Une partie de l’argent qu’elles méritent ne leur parvient pas, car une partie de leur temps égoïste rémunéré a été converti en temps altruiste non rémunéré. Souvent aussi, leur argent circule différemment: il est dépensé au nom du couple, pour des dépenses partagées, pour les enfants, pour le foyer. C’est là que se pose la question à un million: quel est le meilleur modèle de gestion financière au sein du couple?

50/50 ? Au prorata ? Tout en commun ? Parlons justice financière

On observe généralement quatre modèles de gestion de l’argent au sein des couples:

1. Le 50/50

En apparence, c’est l’égalité parfaite: chaque membre du couple contribue à hauteur de 50% aux dépenses communes (logement, nourriture, vacances, activités des enfants…). C’est la solution égalitaire par excellence pour celui ou celle qui “ne veut pas vivre au crochet de”. Mais c’est aussi l’instrument parfait du maintien des inégalités: quand l’un gagne deux fois plus que l’autre, il reste deux fois plus riche même après avoir payé la moitié des dépenses.

2. Le prorata des revenus

La critique principale faite au premier modèle serait réglée grâce au prorata. Mais avec un biais supplémentaire: c’est souvent celui qui gagne le plus qui impose le niveau de vie du couple, compte tenu du fait qu’il contribue davantage. Ainsi, le type de logement, l’ameublement, les vacances, le choix d’école ou d’activités des enfants…sont plutôt choisis par le plus riche, appauvrissant de facto l’autre, qui en dehors du couple n’aurait peut-être pas posé les mêmes choix financiers. Et là encore, c’est le plus nanti qui capitalise davantage: il rembourse une plus grande part du prêt immobilier, investit plus… et, au final, possède plus.

3. Tout en commun

Ce modèle reflète une volonté de partager les projets, les risques, les réussites. C’est aussi celui qui rémunère correctement le temps altruiste alloué par un membre du couple à sa famille plutôt qu’à du temps égoïste, permettant souvent à l’autre membre de décupler ses revenus. C’est ce modèle que nous avons adopté mon mari et moi, en tout cas depuis l’arrivée de nos enfants (avant cela, nous étions dans le 50/50). Malgré les différences de revenus qui se sont creusées avec le temps, notre patrimoine (mobilier et immobilier) est à nos deux noms, à même hauteur. Ce modèle me semble parfaitement adapté à notre situation actuelle à une petite limite près: il peut effacer la notion d’autonomie financière, cet espace de liberté qui autorise chacun à “faire ce que bon lui semble” avec son argent (une folie personnelle, un investissement plus ou moins risqué…). Dans ce modèle, la majeure partie des décisions financières sont prises ensemble.

4. “Le pot de yaourt”

Probablement le pire modèle de tous, celui qui alimente la théorie dite “du pot de yaourt”: le salaire de madame sert pour les dépenses courantes (nourriture, soins médicaux, vêtements des enfants…) et celui de monsieur est capitalisé dans des biens durables voire même productifs (voiture, maison ou appartement, compte-titres, assurance-vie…). Le postulat est le suivant: grosso modo, ça s’équilibre ! Et puisque Monsieur s’y connait en finances, autant que ce soit lui qui s’en occupe… Sauf qu’à la fin, l’un est riche et l’autre est pauvre. Ce modèle crée ce que Lucile Quillet appelle “la bourgeoise pauvre”, cette femme éduquée, bien habillée, bien logée… mais qui n’a rien ou peu de choses à son nom. C’est le modèle du ménage qui cache la précarité.

Ce que la séparation révèle

Le moment où cette précarité se révèle, c’est la séparation. Là, les écarts de capitalisation deviennent visibles: l’un a une carrière lancée à toute berzingue, un bon salaire, des biens, une retraite en cours de constitution, des droits au chômage. L’autre a des trous dans son CV, des droits amoindris, peu de patrimoine à son nom. Et là, le principe du “ce qui est à toi est à moi” disparaît comme par magie. Le partage des biens se fait souvent au rabais: on n’évalue pas la maison à son prix réel pour que le plus riche puisse racheter la part de l’autre à moindres frais, par exemple. Dans la négociation financière post-rupture, Lucile Quillet a souvent observé cette logique perverse : combien l’homme peut-il céder [pour ne pas trop diminuer son train de vie]? Et de combien la femme peut-elle se contenter [pour survivre et faire vivre ses enfants]? C’est dans la rupture que le bât blesse: les efforts invisibles, non rémunérés, n’entrent pas dans l’équation, malgré toute la valeur, même économique, qu’ils ont généré.

 
         

Immobilier: la question délicate de l’apport personnel

Une question épineuse est celle de l’apport personnel, correspondant souvent à une somme héritée ou reçue, dans un achat immobilier. Autour de moi, je vois des exemples de couples qui achètent à parts inégales, parce que l’un apporte une somme initiale que l’autre ne dispose pas. Dans l’acte notarié, il est dès lors inscrit que le bien appartient, mettons, pour 70% à l’un et 30% à l’autre. Les adeptes du prorata diront: pour rester juste, je contribuerai à 70% au remboursement du crédit et toi à 30%. Ce qui peut sembler un acte magnanime revient à appauvrir encore celui ou celle qui n’avait pas d’apport personnel au départ… car au lieu d’investir son argent dans un actif susceptible de générer à terme une plus-value et/ou un loyer, le risque est grand de le voir s’évaporer dans des dépenses courantes, non productives.

Alors, que faire ?

S’il y a bien une chose que m’a apprise ce livre, c’est qu’il n’y a pas de modèle idéal et universel de gestion de l’argent dans le couple. Si elles existent, les différences de patrimoine et de revenus constituent un nœud dont la gestion dépendra des convictions personnelles de chacun et du niveau de dialogue instauré sur le sujet entre les membres du couple. Mais voici mes conclusions:

1. Travail domestique = valeur stratégique

Il ne s’agit pas de réclamer un salaire pour s’occuper des enfants. Ni de prendre comme argent comptant cette phrase cinglante de feu l’actrice et réalisatrice française Delphine Seyrig: “Quand un homme se marie, il épouse une femme de ménage gratis.” Mais il faut établir dans le couple que ce temps “gratis” a une valeur plus que symbolique, économique et même stratégique. Stratégique, oui! Car fonder une famille, c’est prendre des décisions d’allocation des ressources et d’investissement, et cela demande de la stratégie. Une stratégie qui profite en fin de compte à toute l’entreprise familiale.

2. Répartir équitablement le patrimoine (et le temps altruiste)

Ce n’est pas une question de justice abstraite. C’est la seule manière d’éviter qu’un membre du couple (souvent la femme) se retrouve lésé. Le patrimoine créé grâce aux efforts conjoints, qu’ils soient rémunérés ou non, doit être partagé équitablement. Alternativement, et je le constate de plus en plus dans la génération qui me suit, une répartition plus équitable du temps altruiste permet sans doute de lisser davantage les différences de revenu. Si les deux membres du couple passent à 4/5ème plutôt que l’un des deux à mi-temps, c’est l’ensemble de l’entreprise qui s’organise naturellement autour d’un objectif d’équité.

3. Inciter le moins capitalisé à investir

Ceci fait surtout référence à la question de l’apport personnel dans un bien immobilier. En cas de déséquilibre, ceux qui ne souhaitent pas acter un 50/50 dans le titre de propriété pourraient appliquer la formule suivante – que je trouve très juste et qui me vient de l’un de mes collègues masculins: au travers d’un remboursement du crédit à 50/50, le déséquilibre de propriété initial se résorbe progressivement (jamais intégralement, mais au moins en partie). Cela peut être calculé et inscrit dans l’acte notarié. De cette façon, celui du couple qui était moins nanti au départ peut investir au même titre que l’autre et profiter ainsi des mêmes rendements à long terme.

4. Chaque euro compte

J’entends parfois autour de moi des femmes dire “de toute façon, je gagne 10x moins que lui, ce n’est pas mon salaire qui va déterminer notre train de vie.” Je comprends l’argument mais plutôt que de considérer uniquement l’utilité de son (proportionnellement faible) salaire, pourquoi ne pas considérer plutôt son utilité marginale? Ce que vous apportez comme liquidités en plus permettent des choses en plus: un plus grand remboursement de crédit hypothécaire, des plus belles vacances, une plus grosse somme investie par le couple chaque mois… Votre salaire ne devrait en aucun cas, sous prétexte d’une faible proportion dans le total, être réduit à une faible utilité (= des dépenses courantes non productives).

5. S’impliquer activement

Je gère notre patrimoine avec mon mari. Je ne délègue pas, je participe. Je m’informe, je décide, je challenge. Même en gagnant moins, c’est la seule manière d’avoir voix au chapitre, aujourd’hui comme demain, dans des circonstances que l’on espère toujours heureuses mais qui peuvent aussi tourner au vinaigre.

Pas d’amour aveugle s’il est injuste

La conclusion de Lucile Quillet, c’est que l’amour ne devrait pas appauvrir. Que le couple et la famille ne devraient pas être des machines à produire des inégalités. Ce n’est pas une guerre des sexes; c’est une quête de justice. Et qui dit justice financière dit à mon sens consience des biais sociaux, implication de chacun dans la gestion financière et enfin, émancipation.

Reprenez le contrôle grâce à l’investissement indiciel

Je ne pouvais évidemment pas clore cette analyse sans parler d’investissement indiciel. Je prêche pour ma chapelle? Oui, mais en toute bonne foi. Pour avoir régulièrement expliqué le fonctionnement de l’investissement indiciel lors de dîners, je constate que sa simplicité et son côté rationnel parle aux femmes. “Quand vous achetez une part d’un ETF mondial, c’est comme si vous achetiez un peu de toutes les sociétés cotées au monde, dans des proportions égales à leur importance sur les marchés. Vous achetez donc plus d’Apple que de LVMH, et plus de LVMH que de Colruyt, mais vous avez les trois en portefeuille. Et comme vous achetez le marché en entier, il n’est pas nécessaire de parier sur l’une ou l’autre action, avec le stress que cela implique. Vous obtenez le rendement du marché, ni plus, ni moins, qui sur les 100 dernières années a été de 7% par an en moyenne.” La complexité supposée de l’investissement empêche souvent les femmes de s’y intéresser. Mais quand on l’expose dans des termes simples, l’intérêt et la confiance renaissent.

Une stratégie qui convient particulièrement aux femmes

Je l’avais déjà écrit dans un précédent blog– l’un des premiers d’ailleurs après mon arrivée chez Easyvest. Si les femmes sont encore moins nombreuses à investir que les hommes, leurs performances ont tendance à être meilleures. Une étude de l’Université de Warwick l’atteste: menée sur 2.800 investisseurs sur une période de 3 ans, elle a montré que les performances des portefeuilles féminins étaient en moyenne de 1,8% supérieures. Pourquoi ? Probablement en raison de leur comportement d’investissement: plus averses au risque et plus orientées long terme, les femmes ont tendance à préférer les fonds aux actions, à épargner davantage et à effectuer moins de transactions. Tout cela joue positivement sur leur rendement. Et ce comportement, précisément, est celui que préconise l’investissement indiciel. Des fonds globaux détenus pour le long terme, afin d’obtenir le rendement du marché – un rendement quasiment imbattable à long terme.

Niveler les connaissances dans le couple

Cette simplicité permet aussi de remiser une fois pour toute l’argument éculé du « c’est trop compliqué [pour toi], je m’en occupe ». L’investissement indiciel est à la portée de tous et surtout, peut être discuté, débattu, mis en place ensemble. Quel niveau de risque prendre ? Quel niveau d’effort d’épargne conjoint prévoir, à quelle fréquence ? Quel est l’objectif financier poursuivi pour le couple, pour la famille ? Je le disais plus haut, cette gestion conjointe est la base de l’émancipation financière, peu importe les différences de patrimoine et de revenu. En cas de rupture ou de décès d’un membre du couple, toutes ces connaissances et réflexes acquis permettront certainement à chacun de prendre seul(e) son avenir financier en main.

Soyez le moteur de l’investissement

Le bon côté de l’investissement – contrairement à l’immobilier – c’est qu’il ne faut pas directement voir les choses en grand. On peut commencer petit, et alimenter progressivement son portefeuille. C’est d’ailleurs la meilleure chose à faire pour gérer le risque de “mauvais timing” – cette crainte glaçante d’investir ou d’avoir investi au mauvais moment. Vous êtes une femme et vous gagnez moins que votre conjoint? Pourquoi ne pas démarrer votre “voyage émancipationnel” avec un petit portefeuille indiciel? En votre nom propre, en vos deux noms, peu importe: si vous êtes le moteur de cette opération, non seulement vous gagnerez en crédibilité auprès de votre conjoint, mais aussi en confiance vis-à-vis de vous-même. Et comme personne ne bat le marché à long terme, vous aurez sans doute droit à des remerciements dans 10 ans ;-)

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