L’épargne-pension, c’est le produit « must have » d’après votre banquier. Il suffit de remplir son enveloppe annuelle, de profiter de l’avantage fiscal qui en découle, et vous bénéficierez d’un chouette petit complément de pension le moment venu. Bien qu’elle constitue un élément incontournable de l’arsenal de l’épargnant belge, l’épargne-pension ne peut cependant en aucun cas être considérée comme la panacée pour le futur pensionné. Voici pourquoi.
L’épargne-pension est une formule d’épargne à long terme qui permet de constituer une pension complémentaire à la pension légale, et, sous certaines conditions, de bénéficier d’un avantage fiscal. En Belgique, c’est ce qu’on appelle le « 3ème pilier » de la pension, après la pension légale et les assurances-groupe ou les assurances complémentaires pour indépendants. Il est possible de souscrire une épargne-pension auprès de la plupart des banques et entreprises d’assurance actives sur le marché belge.
Il y a trois manières de souscrire une épargne-pension. La plus courante est d’opter pour un fonds d'épargne-pension, commercialisé par votre banque, constitué d’actions et d’obligations, sans garantie de rendement. Il existe aussi une formule d’assurance épargne-pension, vendue par les assureurs, avec rendement garanti. Enfin, il est possible d’ouvrir individuellement un compte titres dont l’allocation respecte le cadre légal auquel est soumise l’épargne-pension (voir infra), mais très peu s’aventurent dans cette voie.
Le calcul n’est pas simple et diffère selon le montant des versements. En 2024 (déclaration 2025), vous avez le choix entre :
Il n’est pas possible d’effectuer des versements pour un montant supérieur ; par contre, il n’y a pas de montant minimum à verser. Attention: si vous dépassez le plafond de 1.020€, la réduction d’impôt passe donc automatiquement de 30% à 25%. Ce dépassement n’est avantageux que si vous versez un montant supérieur à 1.225€.
Par ailleurs, il faut savoir que les contrats d’épargne-pension doivent être souscrits pour au moins 10 ans et que les montants ne peuvent être libérés qu’à l’âge de 60 ans minimum, moyennant le paiement d’une taxe à la sortie actuellement fixée à 8%. Les montants épargnés entre votre 60ème et 65ème anniversaire ne sont plus taxés mais si vous continuez à épargner au-delà de 65 ans, l’avantage fiscal ne sera pas maintenu.
Le rendement garanti de la formule assurance n’a fait que baisser ces dernières années, pour être réduit à quasiment zéro aujourd’hui. Nous retiendrons donc dans le cadre de ce blog la formule du fonds d’épargne-pension, offrant un rendement potentiel plus attractif à long terme. Parmi les formules proposées par les principales banques de détail en Belgique, nous avons choisi les fonds présentant l’allocation la plus dynamique, avec la part d’actions la plus élevée. L’infographie ci-dessus montre les performances annualisées des principaux fonds d’épargne-pension commercialisés en Belgique sur les 10 dernières années, en comparaison à l’indice MSCI World All Country IMI qui suit la bourse mondiale.
Argenta | Belfius | BNP | KBC | ING | MSCI WORLD ACWI IMI |
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8,03% | 8,13% | 8,43% | 8,06% | 6,85% | 10,9% |
*détail des fonds analysés en note de bas de page
Ce qui ressort principalement de ce tableau, c’est l’attractivité générale des fonds d’épargne-pension, dont les rendements observés ces 10 dernières années tournent pour la plupart autour des 8% ! Ce sont des performances sans commune mesure avec l’assurance pension et rarement égalées par ailleurs… Sauf par la bourse mondiale, qui fait encore nettement mieux avec 10,9% de rendement sur 10 ans.
Pourquoi les fonds d’épargne-pension affichent-ils des performances nettement inférieures à celle de la bourse mondiale ? Parce que l’épargne-pension est soumise à un cadre légal strict, qui limite fortement la composition des fonds et l’allocation pour l’épargnant. L’allocation ne peut ainsi pas dépasser 75% d’actions ni 20% d’actions non-européennes, par exemple. Ces restrictions, qui visent à limiter la volatilité pour l’investisseur, ont cependant tendance à réduire fortement le rendement potentiel à long terme des fonds d’épargne-pension.
Il faudra également faire attention aux frais appliqués par les gestionnaires de ces fonds : frais d’entrée sur les primes (élevés, entre 2% et 3% pour la plupart), et frais de gestion (1,2% en moyenne selon une étude du régulateur belge des marchés financiers). Ces frais viennent évidemment grever les performances affichées par les fonds et diminuer le rendement net pour l’investisseur.
Heureusement, les limites de rendement de l'épargne-pension sont en partie compensées par l’avantage fiscal. En définitive, pour des montants équivalents d'investissement, et en considérant que l’économie d’impôt est elle aussi réinvestie dans un tracker d’actions du monde, ce n'est qu'à très long terme (>20 ans), que l'investissement passif sera significativement plus rentable que l'épargne-pension. Une partie importante de la différence est à imputer à la taxe à la sortie de 8%. C'est ce que montre le graphique ci-dessous, basé sur des hypothèses conservatrices: 7% de rendement annuel moyen pour les actions mondiales et 4,5% pour un fonds d'épargne-pension, sur un horizon de 35 ans.
L’avantage fiscal qui découle d’une épargne-pension est, aux yeux de la majorité des contribuables, une raison suffisante pour y souscrire, ce qui est une bonne chose. A long terme cependant, compte-tenu des diverses restrictions et de la lourde taxation à la sortie, il ne s’agit pas du produit miracle qui vous permettra de vivre confortablement à la pension. Compléter l’épargne-pension par une épargne personnelle non-plafonnée – un « 4ème pilier » de pension – investie dans un ETF d’actions mondiales vous offrira un rendement supérieur et devrait faire partie de votre arsenal d’investissement.
Enfin, la fiscalité étant une matière changeante, personne ne peut présager de la taxation future de l’épargne-pension ni des produits d’investissement en général. Pour cette raison également, il est judicieux de préparer sa pension au moyen de tous les outils à disposition, traités différemment sur le plan fiscal : les piliers 1 à 4 sans exception.
*Fonds d'épargne-pension analysés entre les cours de clôture du 30/12/2011 et du 31/12/2021